night (libre)

le regard las de la caissière, des cernes, des cernes, toujours. les lumières blanches, trop violentes, qui contrastent brutalement avec le rouge et le jaune d'un logo vieilli. les âmes perdues qui errent dans ce grand bordel. est-ce qu'il y a de la musique ? peut-être, mais elle est discrète parmi les bruits de la nuit, les machines, les murmurs. à son âge, lotte ne devrait pas traîner au burger king au beau milieu de la nuit de mercredi à jeudi, elle devrait étudier, faire la fête, vivre. et pourtant, elle erre à la recherche d'une place avec son plateau qui tremble et ses jambes qui vacillent. une silhouette, aussi vide que les autres, est assise à une table au fond. il y a une belle vue ici, sur les lumières de la nuit, alors lotte s'assoit face à l'inconnu. "je peux ?" pas le choix, ce sera un oui.

Spoiler:

Théa était perdue dans une salle trop éclairé du centre ville à manger un cheeseburger dégoulinant de graisse. Elle ne devrait pas être ici. Comment y était-elle arrivée ? Son esprit était brouillé par l'alcool, ailleurs, absent, il n'y avait plus personne à l'intérieur de son crane, rien d'autre que les verres bus au bar en sortant du travail. Et son périple oublié en ville. Tout tournait autour d'elle, la vue sur la ville vacillante, lumière chancelante, poésie de la nuit de laquelle elle profitait, seule. Jusqu'à ce qu'un visage rassurant ne vienne la ramener sur la chaise peu confortable du burger king. « Bonsoir. » Elle murmure, peu sure d'elle, elle a peur qu'on l'entende, elle a peur qu'on sente son haleine qui pue l'alcool, elle a peur qu'on lui fasse du mal. Elle se tort les doigts, regardant l'inconnue, hésitante. « Belle soirée non ? »

hj:

elle a le regard fuyant, la jolie fille aux cheveux couleur du blé. les mains qui tremblent, la voix à peine audible dans ce grand silence nocturne. lotte hoche la tête. elle pourrait s'en arrêter là, rester à tout jamais une inconnue pour cette inconnue et se contenter de manger son hamburger. mais elle a besoin de contact, lotte. elle vit pour l'étincelle dans un regard, pour les mots qui s'emmêlent, pour le contact, même rapide. "oui, vraiment, c'est une belle soirée." en réalité, c'est l'une des pires soirées de sa vie, alors elle laisse s'échapper un petit rire. "comment est-ce que tu t'es retrouvée ici à cette heure-ci en pleine semaine, toi ?" un petit sourire pour la mettre en confiance, elle n'est pas méchante, lotte. elle ferait tout pour un peu d'amitié.

Spoiler:

L'inconnue rigole, légère, la mélodie de son rire vient tournoyer autour de Théa, se perdre dans la salle vide, rebondir contre les murs lavées à l'eau de javel avant de disparaitre dans le silence de la nuit. L'inconnue pose la question qui fâche. Oui c'est vrai Théa, comment tu t'es retrouvé ici ? Elle rougit, détourne les yeux, se mord l'intérieur des joues. Elle sent que ça monte, elle ne sait pas si elle va pouvoir se retenir, commence à s'enfoncer les ongles dans sa chair déjà attaquée par ses précédentes crises de violence. Théa, qu'est-ce que tu fous ici à la fin ? « Je... Je sais pas... » La voix tremblotante, terrifiée à l'idée de devoir rendre des comptes à cette inconnue, à elle-même. « J'avais faim je pense. » Menteuse. Menteuse pathétique.

lotte non plus, elle ne sait pas. dans son beau monde, il y a tellement de sourires, de rires, d'amour, et pourtant, il lui arrive de se retrouver seule. face à elle-même, face à tout ce qu'elle a infligé, face au temps perdu. c'est terrifiant. "oui, c'est une bonne raison." lotte n'a même pas faim, pas vraiment. elle a juste besoin d'un toit pour la nuit. "entre nous, je trouve leurs hamburgers dégueulasses." pas grave, elle est habituée à la mauvaise qualité, alors elle en mange quelques bouchées. elle est silencieuse, sa voisine, trop. "ça va ? ça n'a pas l'air d'aller." lotte non plus, ça ne va pas trop, mais elle sait le cacher.

Le visage de Théa se tord pour retenir les larmes. Elle ne bouffait que des trucs dégueulasses de toute façon, quand de la nourriture voulait bien franchir ses lèvres. De la graisse, des trucs chimiques, des trucs cancérigènes. Tout ce qui pouvait lui faire du mal. Et elle se nettoyait les plaquettes de sang à coup de vodka pure. Un verre. Un verre. Elle a besoin d'un verre. Un verre pour affronter le regard de l'inconnu, qui semble la transpercer, lui faire du mal, la brûler. Quelques larmes finissent par s'échapper du coin de ses yeux, roulant timidement jusqu'à son menton. « Non... Non ça va pas trop non. » Elle hausse les épaules. Elle est triste. Elle arrive à respirer cette fois, elle ne casse pas tout, ses ongles ne déchirent pas sa peau blanche. Elle pleure, simplement.