jour de doute (hedda)

Devant l'école au lambris rouge, y a des enfants qui sortent, les derniers surement. Elle elle est pas encore la, elle doit surement travailler encore un peu, faire des heures sup' pour être payé un peu mieux. Soudain tu la vois. T'as peur, un peu; honte, beaucoup. Tu la fixes, parce que tu sais pas trop comment l'aborder. Elle est si jolie avec ses cheveux détachés. Alors tu t'approches un peu, mais pas trop, pour pas l'inquiéter. T'as envie de te jeter à ses pieds, de lui dire que t'es désolé, de lui offrir encore cette bague qui l'avait fait pleurer. T'aimerais encore être à l'église avec elle, encore te marier, la faire sourire, mais c'est un timide "salut" que tu te contentes de lui dire.

la fatigue s'est installée dans tes membres endoloris. t'as passé la soirée à ranger, ranger, ranger. tu lèves les membres et les abaisses, robot qui se complet dans cette existence morose. lumière basse, silence morne. t'es paisible quand t'es seule. t'es bien, t'es ailleurs. pas besoin d'avoir peur, de t'inquiéter. tu apprends à ne plus avoir peur, même si c'est dur. depuis des mois que tu sursautes, que tu paniques, que tu te tais. t'en as marre, tu ne veux plus de tout ça. toi tu veux le parfum des fleurs, les sourires sur ton visage et la tendresse sur ta peau. on pourrait presque te l'offrir tout ça, si tu arrêtais de reculer au moindre pas fait vers toi t'es une biche qui panique, aux aguets. t'en as marre de douter, de ne plus faire confiance. t'es cassée, poupée de cire fracturée dans tous les sens. ouais, t'es épuisée. c'est ton lit qui t'attends, à la colocation. pas faim, pas envie d'attendre. tu veux juste oublier, engloutie par tes draps blancs. tu sors, sans te soucier de quoi que ce soit. tu fermes tout, routine habituelle. t'écoute même pas le monde, tu restes avec toi même. et puis d'un coup tu l'entends. cette voix, sa voix. le cauchemar devient réalité. ça ne peut être vrai, t'y crois pas. tu ne veux pas y croire. tu tournes la tête vers lui et il est là, grand, beau, fier. et toi tu t'arrêtes. silencieuse. interdite. tu vas mourir, c'est le premier truc que tu penses. très fort, peut-être trop. ça doit se lire dans tes yeux d'animal pourchassé. t'avais réussi à vivre sans lui, à te cacher. comment a-t-il fait pour te retrouver ? t'es trop sotte, voilà. t'aurais du disparaitre, pour de bon. partir loin où tu n'existerais plus. où il ne serait pas la pour te surprendre, te laissant carrément muette, immobile. pétrifiée.

elle a l'air d'y être habituée maintenant, elle a l'air de savoir comment faire, elle connait l'endroit comme elle t'connait toi. quand elle se retourne, tu lis l'étonnement sur son visage, puis elle a cet air qui t'fait savoir qu'elle aurait pas voulu te voir là. t'es un peu triste, parce que tu voulais pas qu'elle te regarde comme ça, t'aurais voulu qu'elle s'excuse et qu'elle te saute dans les bras. au lieu de ça elle a gardé ce visage démunit, on dirait bien qu'elle veux pas de toi dans sa vie. adieu les beaux souvenirs à deux,les souvenirs des jeux sous les draps et les gâteaux au chocolat. d'un coup tu te souviens de ta colère, de tes mots durs et de son enfer. tu te souviens de ce jour ou en retenant sa respiration, elle t'a dit qu'elle avait perdu ton garçon. alors t'essaye de pas t'énerver tu restes calme et apaisé. elle a peur, mais toi encore plus, vous avez peur de toi. son visage n'a pas changé mais le regard qu'elle te porte est terrifié. la colère va et vient en toi, tel une vague sur la plage. " alors, pourquoi t'es venu là tout ce temps ?" tu te poses douze mille questions mais aucun son sort de ta bouche, tu te demandes si elle t'aime encore, si elle en aime un autre, si elle te pardonne et si ses bras seraient encore prêts à t'entourer de nouveau. t'aimerais la rassurer, lui crier que t'es désolé avant que la colère te serre, mais tout ce que tu vois en elle, c'est ce gosse qu'elle a laissé crever, et t'y arrive pas, tu peux pas voir autre chose en elle. " pourquoi t'as fait ça else, pourquoi tu m'as laissé tout seul, pourquoi tu nous a laisser en plan, tous les deux, pourquoi t'as pas voulu qu'on se reconstruise, pourquoi t'es pas resté else ?" t'as dit ça sur un ton de fin du monde, comme si c'était ta vie.