poudre de lune.

︎ c'était la france en amour et les pétales de lavande dans le jardin provençal. c'était le ciel bleu qui vire au gris les jours d'insomnie. c'était le regard étourdi du vieux chat allongé tout près de l'évier. c'était la brise devenant bourrasque à l'approche du mistral dans ses mèches brunes. c'était les mèches blondes, à contrecoeur mêlées aux siennes devenues ébènes par ce contraste brutal.

︎ du lait au miel. des corn flakes. des comprimés vitaminés C. un peu de neige sur la chaussée. faire réchauffer le lait. se frotter les mains près de la cheminée. sursauter en entendant le téléphone, le toc-toc du livreur, la sonnette qu'il vient d'installer, le feulement des rideaux contre la fenêtre à cause de la brise fraîche.

︎ ça fait 5 ans (ou 6?) qu'il la cauchemarde. derrière les barreaux. dans son uniforme terne. couché sur le matelas, bercé par la toux grasse de son colocataire et son rire qui raisonne de travers. et ici aussi, sous la neige épaisse, de l'autre côté de l'europe, sous son manteau taupe, il la cauchemarde.

︎ et toi ? tu penses encore à lui ? t'as compris ? tu l'as cru ? tu lui ferais encore tes gâteaux de lune au clair de lune ? t'aimais bien cette blague, ce comique de répétition dans une phrase insensée. tu reviendrais le chercher ? ou t'as signé avec les autres la pétition qui demande son expulsion ? une dernière pulsion. et tu t'envoles, propulsion. t'as pensé au gosse ? quel gosse, y'en a pas, y'a pas pu en avoir ! et t'as pensé à ta froide terre natale ? celle où tu voulais l'emmener un jour. dis t'es toujours là ? fais pas la sourde oreille. on sait tous que t'y crois pas, que t'y crois plus, que t'en veux plus de cette vie morose. tu veux du rose.

︎ tu verras, clarence. si tu fais comme j'te le dis, on vivra heureux. on s'en fiche de l'âge! regarde-moi, je sais faire la grande. je sais faire la dame. honhonhon. ne suis-je pas grande avec ces talons ? comment ça ils ne sont pas à moi ? t'as pas le droit de refuser mon amour. les hommes comme toi, ça fantasme sur les lolitas comme moi. on est fait l'un pour l'autre -torturés par l'amour interdit. viens, dis, on s'en va. non, attends, reste là ... ah. je t'ai bien eu. maintenant, tu pourras plus bouger. et tu feras de moi une femme -ta femme-enfant. comment ça, tu m'aimes pas ? attends, reste là, tu verras. je vais te faire mal, moi aussi. à mon tour de jouer.