tes yeux se moquent.

︎ åse fait autant confiance aux autres, qu'un animal fait confiance aux hommes : elle prend son envol dès qu'elle le peut et les laisse avec un goût amer de plumes dans leurs bouches. elle ne ramène personne là où son coeur a fait nid. les autres n'ont pas droit d'accès à l'endroit où sont éparpillées les coquilles brisées de son âme. au lieu de ça, elle les ébloui avec sa beauté insolente. elle les aveugle avec ses sourires blancs-lumineux. ils brûlent devant sa présence tapageuse, beaucoup trop bruyante pour qu'elle passe inaperçue. devant son esprit si vif que vous pourriez vous y écorcher en l'approchant de trop près. ceci est un masque tellement bien fait, qu'un jour, une de ses amies lui dit : "t'es genre, la personne la plus heureuse que je connaît" et åse ne broncha même pas.

︎ les autres restent souvent assez longtemps pour remarquer qu'en vrai, åse n'est pas si heureuse que ça. que ses ailes sont coupées et qu'elle boîte en marchant. et quand, ils lui demandent ce qui ne va pas, elle leur donne des réponses qui fuient encore plus vite qu'elle. "on s'en fout." "c'était y'a longtemps." "y'a pas de quoi s'inquiéter." ils peuvent sentir l'odeur du sang sur son corps, mais ils ne savent pas d'où ça fuite. pourtant, åse essaie de laisser les personnes dont elle est le plus proche entrer dans sa forteresse de fer. mais bordel, ce qu'il fait sombre là-dedans et elle devrait savoir mieux que quiconque que ce serait con d'allumer la lumière sur des parties aussi obscures de son existence.

︎  åse peut réciter les onze premiers chiffre de pi, mais quand on lui demande ce qu'elle veut faire plus tard, elle hausse ses épaules et évite la question. elle est un génie, certifié, depuis toujours. une sorte d'intelligence rare qu'elle cache du mieux qu'elle peut. åse n'a pas d'ambition, elle ne rêve pas de gloire, elle ne veut pas trouver le prochain miracle médical qui sauvera le monde, elle n'en a rien à faire de pouvoir résoudre systématiquement des équations qui requièrent le savoir des plus grands scientifiques. elle a laissé tomber les études dès qu'on lui en a donné l'occasion. de toute manière, sa vie a raté avant même qu'elle n'ai prononcé son premier mot. elle est tout sauf destinée à la grandeur. alors tan pis, elle s'est trouvée un job quand elle avait dix-huit ans dans une boutique de skate, même si le skate, elle n'en avait jamais fait avant. elle n'en savait trop rien. juste qu'il y'avait deux mecs et une fille qui voulaient bien d'elle alors elle est restée. et depuis elle ne les quitte plus.

︎ un jour, åse se dit qu'elle va étouffer et mourir sous le poids de ses secrets. elle en a tellement que ça la suffoque. mais elle s'y attache, s'y accroche avec ses dents et ses griffes parce que les laisser aller voudrait dire tout perdre. trop peu de personnes savent vraiment qui elle est. personne ne connaît son histoire en intégral. elle la garde pour elle, se mure derrière ses non-dits. parce que cacher la vérité, ce n'est pas la même chose que mentir. elle est douée pour panser ses blessures, pour redorer son armure, pour hurler plus fort que les autres pour montrer qu'elle est en vie et parfaitement normale. elle ne parle jamais de ses parents. jamais, jamais, jamais. jamais, de qui ils étaient. jamais, de où ils vivaient. jamais, de à quoi ils ressemblaient. et puis, jamais de comment elle a fait pour atterrir dans un orphelinat alors qu'elle était presque adolescente. de toute façon, quel genre de personnes se débarrassent de leur enfant après douze ans ? on ne saura sûrement jamais.

︎ le skateshop 50/50 est l'endroit qui la pousse à ne pas laisser tomber, à toujours faire de son mieux, à rester en vie. les personnes qui s'y trouvent sont la définition la plus proche de "famille" qu'elle n'ai jamais eut. et åse, même si elle n'est pas trop douée avec ses sentiments, elle les aime. elle les aime de la seule manière qu'elle connaît. violemment, maladroitement, parfois malsainement. mais, elle les aime quand même. parce qu'ils ont été les seuls à l'accueillir à bras ouvert. les seuls à vouloir d'elle. le seuls à ne pas la juger. à la prendre comme elle arrivait. avec son besoin constant d'attention, ses rires qui résonnent trop forts, trop faux, ses virages d'humeur à 180 degrés. et avec la boutique qui menace de fermer ses portes et la nouvelle venue qui lui vole le peu d'amour qu'elle a réussit à récolter, åse tremble. chaque jour un peu plus, avec la peur qui suinte de chaque recoin de son corps. et elle le sait, quand le skateshop fermera, elle se retrouvera au point de départ. profondément seule et abandonnée par tous. comme si y'avait une malédiction qui se collait à elle, pour lui donner un avant-goût de bonheur et puis, tout lui arracher. à chaque fois.