rotten princess

▪︎ l'anonyme écrit au prisonnier, lettre 1:
NE JAMAIS DÉVOILER TON IDENTITÉ
- dire que je t'ai vu dans les journaux
- dire que j'arrive pas à y croire
- te faire dire que t'es innocent

lettre 2:
- dire que je comprends comment ça fait mal
- dire que j'ai écouté ses oeuvres
- parler de tout, parler de rien, je suis qu'une anonyme après tout

lettre 3:
- dire que t'enverras une lettre chaque mois, à partir de maintenant
- le prévenir que je suis enceinte
- l'enfant va bien, l'enfant écoute ta musique avec moi, tous les jours
- dire que l'enfant n'aura pas de père

lettre 4:
- l'enfant sera une fille
- continuer de réconforter, tu es quelqu'un de si intéressant, c'est tellement dommage que personne ne veuille t'écrire à cause de ton casier judiciaire

les lettres suivantes pour des nouvelles, pour des conversations stupides, sans sens. puis le bébé est venu; envoie d'une empreinte de sa main. puis des dessins. puis dans sa dernière lettre, son projet de fuir en norvège. et des adieux.

▪︎ PRINCESSE. vêtue de belles robes elle progresse dans la salle de bal géante qu'est la vie. elle caresse le bois vernis du beau mobilier, enchante de son doux regard les chiens à la langue pendante dans le hall de son coeur, toile d'araignée, v i d e. et ses valses nocturnes, trop éphémères lui procurent un plaisir qui ne saura jamais l'assouvir, la princesse n'est jamais repue. alors la journée elle revêt son costume d'enfant mal-aimée par papa et maman.

▪︎ ARIELLE. bébé poisson pris au piège dans une porcelaine cadenassée, jusqu'au jour où la coquille craqua pour libérer le poisson devenu sirène. et d'un coup de tête elle renversa le patriarche, assis sur son trône, l'allure fière et confiante. et sur sa joue une trace de rouge à lèvres, un rouge mordant, un rouge vivant; aussi vivant qu'elle. et le sceptre du triton dans sa fragile menotte, elle est reine de l'aquarium qui l'enlace et la noie. et son erreur, sa grande erreur, c'est de croire qu'un trident l'aiderait à faire tomber les pièces d'un échiquier qui l'empêchent d'atteindre le coeur de celui qu'elle veut pour roi.

▪︎ MENSONGES. jeune succube, elle a laissé son coeur se faire emporter par une mélodie enchanteresse, un toucher melliflueux. suranné, le regard d'un amoureux transi qui n'a su aimer qu'une autre, son autre. et elle, la nymphette aux pieds nus, sur le pas de la porte, sous une pluie battante, elle susurre ses peines innocentes au creux d'une oreille naïve. et la robe, comme sa peau opalescente, faisait écho à ses pleurs d'enfant, dans ses bras paternels. c l a r e n c e. il lui en voudra pour toujours, d'avoir franchi les limites. il lui en voudra pour toujours alors que faire d'une proximité gâchée ? la détruire. réduire en miettes l'être qu'on a voulu aimer. et dès le départ de son amante, elle s'est glissée entre les ombres. puis elle fera ce qu'elle a à faire. puis les fausses larmes d'une nymphe abusée viendront tout gâcher encore. l'enfant gâtée qui fait la une du journal. paris toute entière connaît son nom qui se laisse porter par un mistral trop violent. et la sentence tombe; 10 ans de prison. relâché au bout de 5 années volées. et le viol marqué au fer sur sa peau immaculé -l'ange n'a jamais rien fait, elle le sait, elle a fait de lui ce qu'il est. du bétail en plus entre ses doigts de gamine. l'amoureuse qui se tâche l'âme d'un noir aux reflets sanguinaires. sur sa table de chevet elle dépose une fois de plus son livre. LOLITA. héroïne qu'elle aurait tant aimé égaler.

▪︎ LOLITA. une liasse de billet entre les cuisses, elle s'en va à l'autre bout du monde parce qu'elle "en peut plus". avec un regard salement innocent, une voix d'ingénue, elle a demandé un peu d'oseille pour s'offrir des diamants. on la prend vachement au sérieux pour une gamine de 22 ans. elle aimerait bien qu'on lui rappelle qu'elle fait des sales choix à la pelle -et puis elle fait un pas hors de la frontière, traverse des pays sur la pointe des pieds pour atterrir sur le continent norvégien. étouffer sous la neige, arielle, l'impostrise. laisser place à lolita. renaissance amère, incomplète, d'une princesse aux entrailles pourrissantes.