Silence.

(DES PETITS TRUCS) Tu as des goûts parfois un peu bizarres, un peu décalés par rapport au reste du monde. La pluie par exemple, tu adores ça ! Tu raffoles de cette odeur un peu âcre des nuages gorgés d’eau et sentir l’eau dégouliner dans ton dos à t’en glacer les os. Les orages te rendent d’ailleurs complètement électrique et tu ne peux t’empêcher d’ouvrir grand ta fenêtre pour mieux voir le spectacle. La pêche. Ça aussi tu aimes. Tu es capable de passer des heures au bord d’une rivière à pêcher des truites même si tu relâches toujours les poissons à la fin. Tu adores lire aussi, même les Cosmopolitan de ta mère, ce que tu préfères c’est l’horoscope et le courrier des lecteurs, ça te fait sentir normal. Puis y'a ces autres petits trucs chez toi, Tu te limes les ongles et tu te ronges les cuticules par exemple. Surtout quand tu t’ennuies. D’ailleurs quand c’est le cas, tu aimes tuer le temps en gribouillant dans les marges de tes cahiers. Ton cahier de philosophie ressemble à un album de comics, parce que tu détestes la philosphie. Tu aimes tresser des trucs aussi, même avec les franges de rideaux. Et ton thé, c'est en vrac que tu le bois.
(HANDICAP) Tu es né bien comme il faut et pourtant, séquelle d’une infection néo-natale chez ta mère, ton audition s’est altérée jusqu’à te plonger définitivement dans le silence à l’âge de sept ans mais très vite tu trouvais refuge dans cette prison sensorielle, te coupant du monde réel lorsque ce dernier devenait trop fou pour toi. Tu as évidemment appris à vivre avec et communiquer, que ce soit à travers les signes, la parole (tu as d’ailleurs une manière un peu gutturale de prononcer voir avaler les mots, chose qui surprend toujours un peu mais à laquelle on finit par trouver du charme) mais au final, c’est à travers tes dessins que tu parviens à t’exprimer au mieux. Bref, tu t’es fait une raison certes mais l’accepter n’est pas toujours chose aisée et aujourd’hui encore, tu as du mal à supporter l’humiliation de l’handicap, de la différence et surtout, des regards. Au final, ce ne sont pas les regards moqueurs qui te blessent mais bien ceux de la pitié. Alors tu t’effaces, tu te renfermes dans ta bulle, n’osant aller vers les autres malgré leurs efforts.
(AMOUREUX) Malgré ton extrême réserve, tu es un amoureux de la vie et surtout, tu aimes toujours trop fort pour ton petit cœur qui ne parvient à te suivre. C’est trop pour une seule personne, tellement fort que ça en devient douloureux alors tu fais comme si ce n’était rien, comme si ça n’avait aucune importance. D’un naturel exclusif et excessif, tu as du mal à te partager, tu as du mal à te donner entièrement au monde, aux autres. Alors tu ne donnes rien. Au final, il n’y a guère que ta soeur pour qui tu oses exprimer tes sentiments mais ta, ce n’est pas n’importe qui, c’est ta mère, c’est ton amie, c’est ta confidente, ta complice, ton idole, la femme de ta vie, la seule qui compte. Mais ta soeur ne t’appartient pas alors tu la laisses partir sans rien dire même si elle emmène une partie de toi à chaque fois qu’elle claque la maison familiale. Et toi tu retrouves tout seul à gérer tes émotions impétueuses.
(RÉBELLION) Tu es comme une cocotte-minute, ravalant encore et encore tes émotions et pourtant…tu ne sembles jamais exploser. Tes mots ne sont jamais plus élevés les uns des autres et on ne te connaît aucun accès de colère. Tu as pourtant vu ta sœur passer par tous ses états, tes copines chercher le conflit pour te faire réagir, ou encore des garçons te provoquer méchamment…en vain. Tu ne connais pas la rébellion, tu ne sais pas t’opposer et  encore moins t’imposer. Non, tu préfères fuir dans ton monde silencieux, te terrant dans un mutisme exaspérant, résistance passive. Au final, de l’enfant sage, tu es devenu un adolescent raisonnable. Oh tu aimes bien sortir tard le soir, mais certainement pas pour faire des conneries, t’apprécie simplement l’ambiance nocturne, tu ne bois même pas d’alcool. Tu t’autorises tout juste le tabac. Pour faire comme ta sœur à l’époque. Heureusement que tu ne sais pas tout ce par quoi elle était déjà passée.
(PASSIONNE) Aussi surprenant soit-il, tu adores la musique. Pas pour l’écouter non, cela t’es tout bonnement impossible mais le solfège n’a plus aucun secret pour toi et tu adores jouer du piano. Ce n’est pas difficile pour toi, tu connais chaque touche sur le bout des doigts et tu prends particulièrement plaisir à découvrir de nouvelles partitions, tu laisses alors tes doigts danser librement sur le clavier, comme si ces derniers se voyaient munis d’une âme propre. Tu es doué dans ton art mais ce que tu aimes davantage encore, c’est quand ta sœur danse en même temps. Elle a le rythme dans le peau cette fille là où toi, tu as la connaissance technique. Parce qu’il s’agit de ça, tu mémorises les bons gestes et tu les reproduis fidèlement. Si devant elle tu n’as pas peur de jouer, devant les autres en revanche, tu perds complètement ta confiance. Même devant tes parents tu évites, tu as horreur de voir son regard sa déception quand à tes défauts qui prennent le dessus sur tes qualités.
(FÉMININ) On connaît l’expression garçon-manqué mais dans ton cas, certaines mauvaises langues aiment de prêter des traits féminins ne serait-ce que pour ton visage de poupée, ton goût pour les belles choses et ton manque d’intérêt pour les activités typiquement masculins. C’est vrai, le football ça t’emmerde. Au final, les filles t’apprécient et te prennent comme une amie (Ah bon ? Toi tu ne demandais rien à personne pourtant) tandis que les garçons aimaient te considérer comme une tafiole. Ça à la rigueur, ça te passait par dessus la tête mais là où ça devenait carrément compliqué, c’était quand tu plaisais à certains d’entre eux. Toi qui as du mal à dire non, ces situations te gênent toujours terriblement. Parce que non, tu n’éprouves aucun attrait pour les hommes et tu n’as aucune envie d’être la bonne copine de qui que ce soit. Tu détestes d’ailleurs qu’on remette ainsi en question ta masculinité mais au final, là encore tu encaisses.
(IMBÉCILE) L’école, tu n’as jamais vraiment aimé ça. A vrai dire, tu aimes apprendre et enrichir tes connaissances mais les sujets abordés en classe ne t’intéressent que rarement. Au début, tu avais droit à interprète mais bien vite, ton précepteur est devenu trop cher pour vos revenus modestes alors tu t’es débrouillé sans en lisant sur les lèvres des professeurs et surtout, grâce aux photocopies qu’ils voulaient bien te remettre. Quand tu es devenu plus grand, tu as commencé à sécher en cachette. De toute manière, les cours de langue ou de physique ne t’étaient d’aucune utilité alors à quoi bon ? Toi c’est l’histoire et les arts qui te passionnent et tu dois admettre ne pas beaucoup travailler dans les matières qui ne trouvent grâce à tes yeux. Ton bulletin passe donc du très bon au très médiocre d’une matière à l’autre si bien que certains te prennent clairement pour un débile. Il faut tout de même être bête pour ne pas mesurer l’importance de l’école !
(SENSUEL) On dit qu’en étant privé d’un sens, les autres se développent pour compenser. Tu n’as pas gagné en acuité visuelle mais le toucher est devenu important pour toi. Tu as toujours été étonnamment tactile malgré ta timidité et lorsque tu te sens en confiance, tu ne peux t’empêcher de toucher tes proches. Doucement, innocemment. Pas à la manière des rustres qui prennent à pleine main la poitrine de leur jeune compagne, non toi tu es délicat, doux, tu effleures parfois tout juste. Tu es d’ailleurs particulièrement doué dans les massages et tu pourrais passer des heures à tripoter les gens, tu t’enivres de la chaleur et la douceur de la peau et tu te plais à découvrir le corps de tes amies, leurs zones sensibles, leurs points de tension. Un de tes talents insoupçonnés.
(SECRET) Pudique dans tes sentiments, tu as horreur d’exprimer le fond de ta pensée ou même dévoiler tes émotions, certains te jugent à ce propos comme étant froid tandis d’autres te pensent indifférent mais ils sont loin de se douter de ta réelle sensibilité. Tu intériorises simplement.
(ASOCIAL) Solitaire, tu as tout le mal du monde à te lier aux autres et tu te perds trop vite dans les conversations ce qui n’est pas sans te faire passer pour un attardé. Tu évites donc de te retrouver en groupe ou dans les yeux festifs qui te rendent toute conversation impossible. Ta compagnie finit d’ailleurs par ennuyer alors à force, tu n’oses plus aller vers les autres.